Province : la gabegie reportée en 2016
« Le silence du budget provincial 2015 à cet égard est un leurre. C’est à partir de 2016 qu’il faudra trouver chaque année 500 000 euros supplémentaires pour assumer la charge d’emprunt que ce projet pharaonique exigera. Au détriment de qui et de quoi ? Tout est à craindre. »
Intervention complète d’Etienne Cléda,
Chef de groupe Ecolo à la Province
Monsieur le Président,
Monsieur le Gouverneur,
Cher Collègues,
Nous voici au terme d’une bien étrange session budgétaire.
Chacun de nous, conseillers de la majorité et des minorités, présidence du Conseil, fonctionnaires appelés à siéger dans cette enceinte à l’occasion de la réunion de toutes les commissions ce mardi, avons essuyé les plâtres d’une nouvelle manière de procéder, parfois étonnés, parfois déconcerté, quelques fois même en colère …
Je souhaite d’emblée retenir quelques points auxquels nous devrons être attentifs lors de la prochaine session budgétaire :
- Il importe d’abord que chaque conseiller reçoive dans un temps qui lui permette un examen approfondi les documents budgétaires :
- La déclaration de politique budgétaire
- Le budget lui-même
- Les dossiers relatifs aux taxes et aux centimes additionnels
- Les évaluations des contrats de gestion
- Mais aussi le rapport de la Cour des Comptes que les conseiller n’ont reçu par courriel que ce lundi après-midi.
Et ce temps n’a manifestement pas été suffisant à l’occasion de cette session.
- L’organisation des séances de travail doit être revue. S’il n’y a qu’une séance du conseil consacrée au budget, la réunion de la commission qui la prépare doit avoir lieu plus loin en amont de manière à pouvoir prendre réellement en compte les informations obtenues en commission pour la séance du Conseil.
- Le fair play doit être de mise, et si le Collège annonce sa déclaration de politique budgétaire à une date, il est convenu qu’il s’y tienne. L’ordre du jour des différentes réunions doit être respecté.
- Le cadre de travail, notamment de la commission réunie, doit être repensé. Il a été question à plusieurs reprises de la taille des pupitres. Un autre lieu serait certainement plus propice à un échange technique. Cependant, j’ai remarqué aussi que le dispositif des commissions réunies dans cette salle apportait un autre désagrément. Il semble totalement inhiber les conseillers de la majorité. Des riches échanges, des questions spontanées sources d’idées et d’attentions nouvelles que permettait l’examen du budget commissions par commissions, il n’est rien resté.
- Pour le déroulement de cette réunion des commissions réunies aussi, il s’agit de préciser une procédure. Il est ainsi regrettable que chaque Député n’ai pas eu l’occasion de présenter d’emblée les options prises pour les départements dont il ou elle a la charge. La déclaration de politique budgétaire est à cet égard un résumé fort laconique et le huis clos de la commission permet davantage de précisions et de nuance.
Quoiqu’il en soit, toute transition comporte ses périodes de flottement. Peut-être que majorité et minorités ont-elles été surprises de cette audace qui consiste à abattre une tradition, à rompre avec ces usages d’examen budgétaire hérité d’un lointain passé, dans une institution que certains voudraient immuable. Gageons que de cette expérience, nous tirerons l’enseignement que oui, il y a moyen de réformer les Provinces … d’instiller là aussi une transition.
Je commençais en vous disant que nous vivons une bien étrange session budgétaire.
Etrange et paradoxale image de ce budget 2015 de la Province de Namur. Le Collège insiste sur la difficulté de l’exercice, nous a expliqué en commission qu’il avait été contraint de limiter les transferts à l’extraordinaire, que les « obligations exogènes » imposées par la Région et la perte des moyens liés aux politiques du logement et des voiries grevait fortement sa capacité de déploiement. Morose donc !
Et pourtant, jamais nous n’avions assisté à un tel festival de projets immobiliers :
Le Collège a budgété la construction
– d’un nouvel internat pour l’Ecole Hôtelière (5 500 000 d’euros),
– d’une nouvelle Maison du Mieux Etre à Tamines (2 000 000 d’euros)
– de nouveaux bâtiments pour la Haute Ecole provinciale à Ciney (5 000 000 d’euros),
– pour l’Office provincial agricole (2 000 000 d’euros)
– et pour l’Ecole de Police (5 000 000 d’euros dans ce dernier cas),
– le lancement, enfin !, de la rénovation de la Maison de la Culture (24 000 000 d’euros).
Ces chiffres donnent le tournis.
Et ne parlons pas ici des investissements qui se poursuivent au Domaine Valéry Cousin, un flux continu depuis tellement longtemps que personnes ne sait quand cela a commencé ni évaluer aujourd’hui quel montant total y a été déversé. En 2015, 1 745 500 euros y seront investis en plus déficit structurel d’exploitation de 3 793 000 euros pour le domaine (65 %) et de 326 000 euros pour les classes vertes (45.5 %).
Et il ne s’agit là peut-être que d’un avant-goût. En effet tant la déclaration de politique budgétaire que le budget lui-même restent d’un silence assourdissant à propos de ce qui a tant de fois animé notre assemblée, cette fameuse Cité administrative, pudiquement renommée MAP pour maison administrative provinciale.
Je craindrais presque d’évoquer ce point de peur de réveiller le monstre endormi.
Mais il veille nous a-t-on dit. A l’affut de 24 autres millions d’euros que la Province lui jettera en pâture sinon en 2015, en 2016 assurément. La gabegie n’est pas abandonnée, elle est seulement reportée de quelques mois.
Le silence du budget 2015 à cet égard est un leurre. C’est à partir de 2016 qu’il faudra trouver chaque année 500 000 euros supplémentaires pour assumer la charge d’emprunt que ce projet pharaonique exigera. Au détriment de qui et de quoi ? Tout est à craindre.
Cette sessions budgétaire est bien étrange oui.
A cette heure et indépendamment des nombreux investissements, il est toujours difficile de connaître les véritables orientations budgétaires du Collège.
En effet, élément essentiel du budget, la masse salariale globale, c’est-à-dire la force de travail de l’institution, est maintenue mais avec de très grandes zones d’ombre.
Par exemple, ce maintien masque deux mouvements inverses d’importance. Un nouveau montant de 543 000 euros est affecté aux traitements et salaires des zones de secours tandis que les traitements et salaires du STP Voirie est amputé de 369 000 euros et ceux du service logement de 123 000 euros. C’est la configuration des services et l’équilibre entre les métiers qui sont modifiés alors qu’en surface apparemment rien ne bouge.
Autre zone d’ombre, un crédit de 1.5 million d’euros a été réservé pour des engagements, notamment le remplacement de 23 personnes qui partent à la pension. Mais pour les affecter où ? Le budget et la majorité reste silencieux voire mystérieux à cet égard.
Le Collège nous demande de lui signer un blanc-seing.
Ça et là, avec regret, le groupe Ecolo prend acte de petites décisions, qui à défaut d’options claires, peuvent faire office de politique …
Pointons à cet égard :
– l’intégration du Service d’analyse des Milieu intérieur ou SAMI au budget de la DASS (Direction des affaires sociales et sanitaires), qui malgré cet apport diminue tout de même de 150 000 euros. Autant de moyens en moins pour l’action sociale et sanitaire.
– La suppression de la politique d’aide à l’installation des médecins généralistes
– La suppression de l’aide à la revue l’Observatoire
– La réduction de l’aide aux télévisions locales
– La division de moitié du soutien à la Maison de la Poésie
– L’amputation de 25 % des subsides accordés aux trois services d’information jeunesse
– L’évaporation progressive des moyens accordés à l’efficacité énergétique des bâtiments provinciaux et l’absence de mise en œuvre du bilan carbone jadis annoncé
Remarquons que les rares innovations positives, l’affectation de moyens nouveaux aux zones de secours et de subsides aux travaux aux monuments classés résulte d’obligations imposées par la tutelle.
En matière d’obligation imposée par la tutelle, il y a aussi ces 10 % des montants perçu du fonds des Province à affecter à des interventions dans des actions supra communale. Le rapport de la cour des Comptes constate que le budget 2015 prévoit des crédits à hauteur de 800 000 euros, soit deux tiers du montant attendu au plus tard en 2018. Le rapport précise que l’administration provinciale s’active à dresser un inventaire en vue de valoriser de l’ensemble des actions qu’elle mène au profit des communes. Et d’y additionner le bureau des amendes administratives, les centre PMS-PSE les centre culturels et l’institut de formation provinciale. Vivement que cet inventaire nous parvienne. Sans aurons-nous à discuter alors de ce qui doit ou non y être compté puis aurons-nous à constater comment la Province de Namur se met sans cesse davantage au service des communes et des citoyens. Parce que pour le Groupe Ecolo, ces 10 % ne peuvent que constituer qu’un seuil au départ et autour duquel doit se recentrer l’action provinciale.
Ce qu’il a d’étrange encore dans l’exercice budgétaire provincial, c’est son écart entre ce qu’il annonce et sa réalisation.
Pour 2013, le budget adopté par ce conseil annonçait un léger boni de 250 000 euros. Le compte 2013 s’est soldé par un « boni de l’exercice à reporter » de 2 336 901 euros.
Pour 2014, le budget adopté par ce Conseil annonçait un léger boni de 28 822 euros. Dans son rapport, la Cour de Comptes constate que les opérations de l’année 2014 se soldent par un boni de 1.3 million d’euros à l’ordinaire et de 9 millions d’euros à l’extraordinaire.
Avec de tels montants, il est difficile s’en tenir à l’air maussade du Collège qui nous dit être corseté par des moyens étriqués.
La Province est un des rares pouvoirs publics à disposer d’une telle marge de manœuvre. Qu’en fait-elle ? Peu et pas assez. C’est la raison pour laquelle le groupe Ecolo a voté contre les centimes additionnels provinciaux et réclame leur diminution. Plutôt que s’entasser en bénéfice cumulé dans l’escarcelle provinciale, il serait plus utile de permettre aux communes d’augmenter leur pression fiscale de manière indolore pour les contribuables. Ce serait cela aussi soutenir l’action communale.
Il me reste à remercier encore l’ensemble des agents provinciaux qui, derrière ces chiffres, vivent et font vivre l’institution provinciale.
C’est pour eux, pour tous les citoyens de cette provinces, pour les associations, les communes, les entreprises qui en sont le moteur et au service desquels, avec des orientations plus claires et plus ambitieuses, le Collège et sa majorité devraient s’atteler que le Groupe Ecolo votera contre le budget proposé.
Etienne Cléda
Conseiller provincial
Chef de Groupe Ecolo